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leur table : il aimait ces entretiens brillants où, lorsque un vin généreux avait enhardi sa verve, il déployait à leurs yeux les connaissances exceptionnelles dont il était fier. Il jouissait de l’étonnement dont ses éminents interlocuteurs étaient saisis en trouvant un vrai dilettante, presque un artiste, dans « ce bon Wilkins, l’attorney, » qui leur avait été présenté sans façons. Tout ceci l’entraînait à des dépenses qui dépassaient de plus en plus ses moyens, et que son père eût sagement prohibées ; mais l’honnête Wilkins était mort plein de jours, laissant ses affaires dans un état florissant, entouré du respect universel, et sans avoir pu pressentir le moindre nuage dans l’avenir prospère qui semblait promis à son fils et à sa bru.

Celle-ci s’alarmait déjà du train de vie que son mari lui imposait. Il la voulait parée aussi richement que les plus élégantes femmes du pays, et, prenant ce prétexte que les bijoux étaient interdits à des personnes de leur rang, la couvrait de dentelles aussi coûteuses que les diamants dont elle se privait si volontiers, et qui effectivement lui étaient inutiles, tant elle apportait dans le monde une distinction naturelle, une grâce, une dignité de bon aloi « fort extraordinaire, disaient ses rivales, chez la fille d’un aventurier français.  » Pauvre Lettice ! faite pour le monde, elle le détestait de bon cœur, et le jour allait promptement venir où elle en serait pour jamais délivrée. Rien n’avait fait prévoir ce funeste dénoûment, lorsqu’un jour Edward fut brusquement rappelé de ses bureaux d’Hamley par la nouvelle que sa femme était prise d’un mal subit. Quand il arriva près d’elle, hors d’haleine et presque hors de sens, elle ne pouvait déjà plus parler. Lui-même ne trouvait pas la force d’articuler un seul mot. À genoux près d’elle, il vit, à un regard de ses beaux yeux noirs, qu’elle le re-