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trouvait dans une situation pécuniaire assez embarrassée. Il ne se montra pourtant pas fort enthousiasmé de l’union qui s’offrait pour sa nièce, et fit acheter son consentement par plus d’une impertinence, comme s’il n’eût pas dû s’estimer fort heureux d’établir d’une manière aussi convenable la fille d’un homme tel qu’était son beau-frère, — d’un misérable banni qui n’aurait pu reparaître dans sa patrie sans s’exposer à des poursuites immédiates, et probablement à une condamnation infamante.

Edward ressentit vivement ces insolents procédés, mais il en fut dédommagé par l’affection de sa femme qui se montra toujours fière de lui appartenir. S’il l’eût écoutée, il se serait séparé d’un monde où les préjugés lui étaient hostiles, pour se confiner dans les douceurs de la vie domestique, auprès de l’inaccessible foyer que tout bon Anglais sait transformer en château fort. Mais c’était peut-être demander beaucoup à un jeune homme d’humeur sociable, qui, malgré les dédains dont il était parfois la victime, se sentait capable de briller dans une sphère moins étroite. Edward voulut continuer à voir et à recevoir du monde. Recevoir, en ce temps-la, c’était donner à dîner. Le vin jouait un grand rôle dans ces réunions hospitalières. Edward, qui n’avait aucun goût spécial pour cette liqueur, n’en voulait pas moins la déguster en fin gourmet. Soit à la table des autres, soit à la sienne, il tenait à se montrer connaisseur. Il en eut bientôt la réputation, et sa femme, — s’étonnant toujours qu’il se trouvât à l’aise dans un monde dont la tolérance prenait volontiers le caractère d’une familiarité quelque peu dédaigneuse, — le vit, malgré tous les conseils qu’elle lui put donner à ce sujet, rechercher de plus en plus les stimulants sociaux dont il avait pris la périlleuse habitude. Il aimait à se rencontrer, chez les nobles du pays, avec les notabilités intellectuelles qui, de temps à autre, venaient s’asseoir à