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faisant comprendre qu’ils le regardaient, par rapport à eux, comme un parvenu fourvoyé parmi ses supérieurs.

Tout ceci ne constituait pas une position agréable, et présageait en outre d’assez grandes difficultés pour le mariage auquel aspirerait tôt ou tard le fils de l’attorney. Il ne pouvait guère se dissimuler que la plus avenante de ses danseuses habituelles se regarderait en quelque sorte comme offensée s’il la conviait à venir régner dans son élégante maison ; — meublée, disons-le, avec plus de goût qu’aucun des châteaux voisins. Il le savait d’autant mieux qu’il avait déjà eu à supporter, à dévorer en silence, maint et maint déboire dont il ne pouvait guère tirer de représailles, si ce n’est en affichant un certain luxe par lequel il écrasait ses concurrents mieux doués que lui sous le rapport de la naissance. Qu’un cheval de prix fût mis en vente, il le leur enlevait sans pitié. Pas un d’eux n’avait un chenil mieux garni que le sien, et s’ils lui enviaient moins sa collection de tableaux, encore leur inspira-t-elle, connaisseurs insuffisants, ce respect que l’ignorance ne refuse guère aux objets qu’elle ne peut évaluer.

Ce fut dans ces circonstances qu’Edward s’éprit de miss Lamotte, et qu’il obtint sa main. Elle était sans fortune, mais personne ne pouvait lui contester une origine patricienne, le baronetage mentionnant Lettice, fille cadette de sir Mark Holster, née en 1772, mariée en 1799 à C. Lamotte, et décédée en 1810. Lettice Holster avait laissé deux jeunes enfants, garçon et fille, placés, à sa mort, sous la protection de leur oncle maternel, sir Frank Holster, attendu que leur père, dont jamais on ne prononçait le nom, avait disparu, mort ou vivant encore, du monde auquel appartenait sa femme. Sir Frank lui-même, — et personne ne le savait mieux que les Wilkins, — se