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chose. À votre place, et plutôt que d’épuiser ainsi le dévouement de votre père et de votre mère, plutôt que de les laisser se désoler et se fatiguer en attendant l’heure où il vous plaira de redevenir gaie, je monterais là-haut (montrant le ciel) pour y prendre la lune avec les dents. Voilà ma façon de voir, et comme je n’ai jamais beaucoup aimé les longs sermons, je m’en tiens à ce que j’ai dit. »

Phillis, comme on pense, ne répondit rien à cette éloquente apostrophe ; mais un ou deux jours après, nous trouvant seuls, elle me demanda si je pensais que mes parents lui permissent d’aller passer auprès d’eux une couple de mois.

En me manifestant ainsi son désir de changer de lieux pour changer de pensées, elle avait rougi, elle balbutiait quelque peu.

« Vous savez, Paul, disait-elle, ce ne sera pas long. Un simple répit, une courte halte… Ensuite nous retournerons, je le sais, à la paix, à la sérénité d’autrefois. — Je le sais, dis-je, car je le puis et je le veux. »

Pendant qu’elle me tenait en hésitant ce langage résolu, son père, à qui j’avais raconté ma conversation avec Timothy, et qui s’était hâté de le rappeler à la ferme, donnait à ce pauvre diable, avec une patience exemplaire et vraiment touchante, les instructions les plus détaillées pour une besogne d’ailleurs très-simple qu’il venait de lui confier.

Chez Phillis et chez le ministre, dans des circonstances qui n’offraient aucune analogie, le même esprit se manifestait, — cet esprit chrétien qui facilite la résignation, triomphe de toute amertume et mêle une sainte douceur aux grands sacrifices, aux dégoûts mesquins, aux immenses et menues misères dont chaque existence est plus ou moins compliquée ici-bas.