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Je ne pense pas qu’il ait pris garde à ces derniers mots, prononcés pendant qu’il enfourchait une barrière voisine pour regagner son pauvre cottage.

En revenant à la ferme, j’appris que Phillis était enfin réveillée, qu’elle avait même faiblement articulé deux ou trois mots.

Sauf sa mère, qui restait auprès d’elle pour lui faire prendre quelques légers aliments, le reste de la famille fut convoqué, — c’était la première fois depuis bien des jours, — à la prière du soir. Il y avait là un retour bien marqué aux habitudes des temps heureux ; mais, sans invoquer tout haut le Seigneur, nous n’avions pas cessé d’être à ses pieds, notre vie même étant une prière pendant ces jours néfastes où le silence s’était fait dans la maison. Nous nous retrouvâmes au lieu habituel, et de l’un à l’autre s’échangeaient des regards d’espérance. Agenouillés, nous attendîmes que la voix du ministre donnât le signal ; mais nous attendîmes en vain, car il ne pouvait parler, — il étouffait. De sa robuste poitrine sortit, l’instant d’après, un sanglot profond. Le vieux John alors, se tournant vers lui sans se relever :

« Ministre, lui dit-il, m’est avis que, sans prononcer une parole, nous avons rendu grâce à Dieu de tout notre cœur. Peut-être bien n’a-t-il pas besoin ce soir qu’on le remercie autrement. Qu’il veuille nous bénir tous et préserver notre Phillis de tout mal !… Ainsi soit-il. »

Nous n’eûmes, en fait de prière, que cet impromptu du vieux John.

Celle qu’il avait si bien nommée « notre Phillis » alla toujours de mieux en mieux à partir de ce moment ; mais sa convalescence fut d’une lenteur ! Parfois j’en désespérais presque. Je craignais de ne plus revoir ma cousine telle que je l’avais connue autrefois, et de fait, à certains égards, ma crainte s’est vérifiée.