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temps, Betty les retenant prisonniers dans une grange vide, où ils demeurèrent plusieurs jours de suite condamnés à une obscurité complète, sans qu’on y gagnât beaucoup sous le rapport du tapage.

Enfin arriva la crise sous la forme d’un sommeil profond d’où la jeune malade sortit avec quelques faibles indices d’une sorte de renaissance. Son sommeil avait duré bien des heures, pendant lesquelles personne de nous n’osait bouger, ni pour ainsi dire souffler. Nous avions passé par tant d’anxiétés que nos cœurs endoloris ne pouvaient s’ouvrir à l’espérance, et en accepter pour gages les symptômes favorables qui se déclaraient simultanément, — la respiration plus régulière, la moiteur de l’épiderme, un retour de teintes rosées sur les lèvres blêmies.


XXII


Je me souviens que ce même soir, à l’approche du crépuscule, je gagnai par la longue avenue des frênes un petit pont, jeté au pied de la colline, où le sentier menant à Hope-Farm venait rejoindre la route de Hornby.

Sur le bas parapet de ce pont, je trouvai Timothy Cooper, ce laboureur à moitié idiot dont la stupidité avait exaspéré la patience du digne ministre. Il était assis et jetait nonchalamment, de temps à autre, quelque débris de mortier dans l’eau courant au-dessous de lui.

Mon approche lui fit lever les yeux, mais il ne me salua ni de la voix ni du geste, contrairement à son habitude en pareille circonstance, d’où je conclus que son renvoi de la ferme lui avait laissé quelque penchant à la bouderie. Il me sembla pourtant qu’on pouvait essayer de le