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Phillis, un de ces livres étrangers dont je ne comprenais pas le premier mot. Bientôt, par manière de préface, ils m’invitèrent à prier avec eux, ce que je fis de grand cœur.

On se releva, on s’assit : on attendit que M. Holman eût terminé son oraison, prolongée au delà des nôtres, et pris sa place au conclave ; puis le révérend Robinson hasarda sa remontrance, à laquelle son « frère » Hodgson donnait son assentiment par quelques gestes de tête ou quelques interjections glissées entre deux phrases.

M. Holman les écoutait avec une patience évangélique, nonobstant les absurdités palpables dont leur exhortation pieuse était émaillée. Ils venaient lui prêcher la résignation, comme si tout espoir était perdu ; ils venaient lui demander de bénir le Seigneur dans le cas où il plairait au Seigneur de lui reprendre sa fille. Le pauvre homme s’efforçait de comprendre ces idées et d’y entrer ; mais il ne pouvait changer en un cœur de pierre le cœur de chair qui battait dans sa poitrine.

Toujours sincère, il ne voulut ni se tromper lui-même, ni déguiser à ses collègues ce qui se passait en lui.

« Si le jour fatal venait à luire pour moi, leur dit-il, et si Dieu me donne la force dont j’aurai besoin, je reconnaîtrai sa miséricorde ; mais je ne veux pas anticiper sur cette horrible catastrophe… Je ne me résignerai qu’alors et si cela m’est possible… Jusque-là, laissez-moi mon espérance, qui me vient aussi de Dieu, je suppose…

Cette réponse inattendue déconcerta les deux prédicants ; mais celui qui portait la parole n’en adjura pas moins « frère Holman » de scruter à fond sa conscience.

« Demandez-vous, disait-il, pourquoi Dieu vous inflige cette épreuve. Ne veut-il pas châtier en vous ces trop grandes préoccupations d’intérêt purement terrestre, ce zèle immodéré pour la culture de votre ferme et le soin de votre bétail ? N’êtes-vous pas un peu glorieux de vos