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et croit tout réparable avec de l’argent, en butte au mépris public, l’infortunée ne voit de refuge que dans le suicide. Un jeune pasteur, aux membres grêles et contrefaits, à l’âme évangélique, se jette entre elle et la mort : il compatit à son angoisse ; il veut la sauver, et il la sauvera : toutes les portes lui sont fermées, il lui ouvrira la sienne. Mais il a une sœur qui régit son modeste ménage sous le contrôle despotique d’une vieille servante, habituée à morigéner ses maîtres, par droit d’ancienneté et d’affection. La manière dont l’excellent homme ramène à la charité ces cœurs rétifs, est d’un admirable enseignement. Les entretiens du frère et de la sœur abondent en nuances délicates ; et la figure de Ruth déchue, anéantie sous le poids d’un passé qui se dresse sans cesse devant elle et que ses vaillants efforts ne peuvent conjurer, est des plus touchantes. Mais l’observation incisive de l’auteur s’attaque surtout à Bellingham, le vrai coupable, le froid égoïste, qui, en présence du cadavre de sa victime d’autrefois, morte aujourd’hui pour l’avoir soigné, regrette seulement que les paroles amères dû pasteur puritain lui « gâtent ce dernier souvenir de sa belle Ruth. » Il eût voulu pouvoir réparer « cette folie de sa jeunesse. »

« — Les hommes, reprend le pasteur, peuvent appeler de telles actions des folies de jeunesse. Elles ont un autre nom devant Dieu.

Ruth est la glorification du repentir et de l’expiation. Quoi qu’on en ait pu dire, la morale en est des plus austères. Une vie, d’humiliation, la honte déversée sur un enfant, de poignantes angoisses mêlées à l’amour maternel, sont les châtiments justes, mais rudes, d’une faute