Page:Gaskell - Cousine Phillis.djvu/139

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nous nous parlions rarement : malgré lui, je crois bien, il me gardait une secrète rancune. Il avait vieilli de dix ans en quelques jours. Sa femme et lui voulaient seuls veiller au chevet de la jeune malade, et Dieu leur donna jusqu’au bout la force nécessaire. Betty elle-même n’était admise qu’à la dernière extrémité.

Un jour, par la porte restée entr’ouverte, je vis Phillis. Son abondante chevelure blonde était depuis longtemps fauchée, des linges mouillés entouraient ses tempes, et soutenue par l’oreiller, balançant en avant et en arrière son corps amaigri, les yeux fermés, elle essayait çà et là de fredonner comme autrefois une hymne d’église, mais le chant ainsi commencé s’achevait invariablement en une plainte, arrachée par la souffrance. La mère, assise près d’elle, ne versait pas une larme, et avec une inépuisable patience changeait sans cesse les linges humides, à mesure qu’ils avaient perdu leur salutaire fraîcheur. Tout d’abord je n’avais pas aperçu le ministre ; mais il était là, dans un obscur recoin, agenouillé, les mains jointes, priant avec une ferveur passionnée.

La porte se referma, je n’en vis pas davantage.

Deux de ses collègues arrivèrent le surlendemain. Leur visite, que je lui annonçai à voix basse, parut le troubler étrangement :

« Ils viennent me sommer de leur ouvrir mon cœur… Paul, mon cher Paul, vous ne nous quitterez pas !… Leurs intentions sont bonnes, mais je ne puis attendre que de Dieu les secours spirituels dont j’ai besoin. »

Ces deux ministres étaient plus âgés qu’Ebenezer Holman. À cela près, ni l’un ni l’autre ne pouvait revendiquer sur lui la moindre autorité morale ou intellectuelle. Ils parurent d’abord me regarder comme un intrus ; mais je tins bon, me rappelant la recommandation de mon oncle, et, comme contenance, je pris un des livres de