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j’ai entendu la plus grande partie des reproches qu’il a dû subir. Il ne les mérite pas. Pauvre Paul ! peut-être eût-il été plus sage de se taire ; mais s’il a parlé,… grand Dieu, pourrai-je aller jusqu’au bout ?… s’il a parlé, c’est par bonté, par esprit de miséricorde… quand il m’a vue si malheureuse de ce départ… »

En prononçant ces derniers mots, elle baissa la tête, et, sa main posée contre la table, parut près de fléchir sous un fardeau plus lourd.

« Voyons, je ne comprends pas, » reprit son père, et pourtant il commençait à comprendre.

Phillis attendait une question nouvelle avant de répondre. Il la lui adressa, cette question, et tant de cruauté m’irrita. Il est vrai que je savais tout.

« Oui, je l’aimais, répondit-elle, défiant pour la première fois le regard de son père.

— Vous avait-il jamais parlé d’amour ? Paul prétend que non.

— Jamais. »

Après ce mot décisif, elle baissa les yeux, et je crus qu’elle allait se laisser tomber sur place.

« Voilà, dit le ministre d’une voix rude, voilà ce que je ne pouvais imaginer. »

Il se fit un silence, et M. Holman ne reprit qu’au bout d’un instant, avec un soupir :

« Paul, je n’ai pas été juste envers vous. Un blâme vous est dû, mais non celui que je vous imputais. »

Nouveau silence : il me sembla surprendre un mouvement sur les lèvres pâles de Phillis ; mais ce pouvait être la flamme vacillante de la bougie autour de laquelle voletait un papillon de nuit qui venait d’entrer par la fenêtre ouverte. — J’aurais pu lui sauver la vie, et je ne le fis pas ; j’avais vraiment de bien autres soucis !