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fenêtres ouvertes ne nous arrivait ni frisson de feuillage, ni frémissement d’ailes, ni même une de ces notes indécises et plaintives que l’oiseau endormi sème dans les ténèbres. La grande horloge de l’escalier, la respiration oppressée du ministre… étais-je donc condamné à les entendre éternellement ?…

Un mouvement d’impatience me rendit la parole.

« Je croyais faire pour le mieux, » repris-je exaspéré par le silence et l’attente.

Le ministre ferma brusquement sa Bible, et se levant de son siège :

« Pour le mieux ? reprit-il. Le mieux était donc, selon vous, de confier à une jeune fille ce que vous aviez cru devoir taire à ses parents, à ses parents qui vous traitaient comme un fils ?… » Puis, arpentant la chambre et se livrant à l’amertume de ses pensées :

« Mettre de pareilles idées dans la tête d’une enfant, troubler ainsi la paisible pureté de son cœur en lui révélant un amour… Et quel amour, je vous le demande ! ajouta-t-il d’un ton méprisant, un amour que toute jeune femme trouve disponible !… Ah ! Paul, vous avez vu aujourd’hui même, à dîner, vous avez vu ce visage désolé, cette détresse profonde… Et moi qui me fiais à vous !… Pouvais-je penser qu’il fallût se mettre en garde contre le fils d’un père comme le vôtre ?… Pauvre petite, lui parler amour et mariage !… »

Malgré moi, — et par un retour que je me reproche encore, — je songeais à ce tablier d’enfant que Phillis avait si longtemps porté, à cette transformation si tardivement acceptée, à l’aveuglement de ces bons parents qui, sans le savoir, traitaient en petite fille une femme faite et parfaite. Ils m’imputaient à crime d’avoir éveillé chez elle des sentiments précoces, des idées que son âge ne lui eût pas suggérées ; mais je savais, moi, que le re-