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et je savais par quels efforts, je savais au prix de quelles tortures elle l’avait jusqu’alors dissimulé à tous les regards. Aussi pesais-je, une, à une, les paroles qui me restaient à prononcer.

Le ministre n’attendit pas le résultat de ces lentes réflexions, et comme s’il se parlait à lui-même :

« Mon unique enfant, disait-il… Sa jeunesse est d’hier… J’ai encore des années à la couver sous mon aile… Sa mère et moi, nous donnerions ce qui nous reste de temps à vivre pour la sauver du mal, pour lui épargner certaines douleurs. »

Puis, élevant la voix et me regardant en face :

« Cette enfant a du chagrin, et ce chagrin date, ce me semble, du moment où lui est arrivée la nouvelle du mariage… Il est assez amer de se dire que vous êtes plus au courant que nous de ses secrets et de ses peines intimes ; peut-être cependant en est-il ainsi. Dans ce cas, Paul, dites-moi seulement, à moins de péché, ce que je puis faire pour lui rendre la paix… Dites-le-moi, Paul, je vous en conjure.

— Je crains fort, répondis-je, que ceci ne serve à rien ; pourtant je crois vous devoir la confession d’un tort qui pèse sur ma conscience. Je n’ai point failli d’intention, mais de jugement. Holdsworth m’ayant dit, avant de partir, qu’il aimait ma cousine et qu’il espérait en faire sa femme, j’ai répété ceci à Phillis. »

Que pouvait-il demander de plus ? En ce qui me concernait, l’aveu était sans réserve. Mes lèvres, closes désormais, ne devaient rien ajouter.

Je ne voyais pas l’expression de son visage, attendu que je regardais le mur en face de lui. J’entendis un commencement de phrase, puis les feuillets du livre qu’il tournait sans y prendre garde. Quel silence autour de nous, dans cette chambre comme au dehors ! Par les