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ceux que son bonheur pouvait intéresser, « notamment, ajoutait-il, à ses bons amis de Hope-Farm ? »

Phillis, maintenant, n’était plus qu’un de ces « bons amis, » faisant nombre parmi les autres !

Il fallut descendre, il fallut s’asseoir à table, il fallut manger, parler comme tout le monde. Je ne sais comment je m’en tirai, mais le ministre me regarda mainte fois d’un air surpris. Il n’était pas homme à mal penser du prochain ; mais bien des gens, à sa place, m’auraient accusé d’avoir oublié les lois de la tempérance.

Dès que je le pus décemment, je quittai la table et la maison. J’avais besoin de m’étourdir un peu en marchant vite et longtemps, j’allai en effet si loin que je me perdis dans les vastes landes qui couronnaient le plateau, et que la fatigue enfin me contraignit à ralentir le pas.

Ah ! que cette indiscrétion me pesait ! Et combien n’aurais-je pas donné pour retrancher de ma vie la demi-heure où ma prudence ordinaire m’avait trahi !… Puis je m’emportais contre Holdsworth, et vraiment je n’en avais pas le droit.

J’imagine que je restai une bonne heure au fond de cette vaste solitude, après quoi je repris le chemin de la ferme, en me promettant de tout dire à Phillis, dès que l’occasion s’en présenterait ; mais en somme cette résolution me coûtait beaucoup, et lorsque par les fenêtres toutes grandes ouvertes je la vis seule dans la cuisine, je me sentis défaillir, tant mes appréhensions devinrent poignantes.

Elle était debout, à côté du dressoir, taillant le pain qu’elle allait distribuer aux laboureurs ; ceux-ci pouvaient revenir d’une minute à l’autre, car le temps menaçait, et

    l’envoi de cartes de visite ordinaires. Chacun des mariés envoie la sienne séparément, quoique sous le même pli. (N. du T.)