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cœur, elle fit faire un pas dans la voie difficile des améliorations. Les patrons concédèrent quelque chose ; les ouvriers, plus éclairés, se montrèrent moins exigeants.

Ma digne et vénérable amie, Miss Edgeworth, m’écrivait le 2 février 1849, trois mois avant sa mort : « Je vous envoie Mary Barton. C’est le tableau de la vie manufacturière de Manchester. Les misères de la classe pressurée de travail y contrastent avec l’opulente inutilité du riche fabricant. Ce n’est pas une peinture surchargée comme celles du Juif errant, mais une reproduction trop vraie. Le remède n’est pas indiqué et ne peut pas l’être. Si c’est une nouvelle répartition forcée de la propriété, elle tarira les sources de l’industrie passée et future, elle tuera une génération de riches par la spoliation, et une génération de pauvres, enrichis tout à coup, de nom, mais appauvris de fait, par l’ivresse, la corruption, et une misère morale pire que l’autre.

« Mary Barton est l’œuvre d’une très-respectable dame, animée, j’en suis sûre, des meilleures intentions. Le livre, garanti vrai, a droit à l’intérêt de toute créature humaine. Mais l’effet en est navrant : il décourage, il abat, il y a trop de mourants et de lits de mort. »

Ce jugement net d’un esprit sain et vigoureux, malgré ses quatre-vingt-deux ans, est bien celui que devait porter l’aimable et profond moraliste qui, au commencement du siècle, avait réhabilité ses pauvres compatriotes irlandais, en les montrant doux, affectueux, spirituels dans leur misère qu’illumine toujours un rayon de gaieté.