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neige dans le grand bois, au delà du champ des frênes.

Jamais je ne la vis si heureuse et si charmante que lorsque, sous les plus grands arbres où verdissaient à peine les plus précoces bourgeons, elle s’amusait à imiter les gazouillements des oiseaux, la seule musique à son usage. Son chapeau de jardin avait glissé sur ses épaules, les fleurs des bois emplissaient ses mains, et sans se douter que je la contemplais avec admiration, elle écoutait, attentive, le sifflement railleur qui lui arrivait des taillis voisins, elle y répondait ensuite, — non pas par pure complaisance, comme elle l’avait tait bien des fois à ma prière, — mais pour satisfaire à un besoin d’expansion joyeuse et traduire en ramages variés la vague félicité dont elle se sentait le cœur plein à déborder.

Plus que jamais elle se faisait adorer. Son père la suivait d’un œil complaisant et attendri. Sa mère, oubliant pour elle le fils qu’elle avait vu s’éteindre dès le berceau, lui faisait double part d’affection. Les vieux serviteurs de la maison lui portaient cet attachement sincère et profond que les cultivateurs ont pour « l’enfant de chez nous, » et cela sans le témoigner, si ce n’est en de très-rares et très-solennelles occasions.

J’ai dit que jamais entre nous il n’était question de Holdsworth, mais le ministre (sur qui les lettres dont j’ai déjà parlé avaient fait une impression durable) ne se gênait pas pour causer du voyageur en fumant sa pipe le soir, après le travail. Phillis se penchait alors sur son ouvrage et prêtait l’oreille en silence aux affectueuses paroles de son père, qui se reprochait d’avoir été quelquefois trop sévère pour ce jeune homme, dont les qualités brillantes le mettaient en défiance.

La première atteinte portée à la tranquillité mêlée d’espérance que je me flattais d’avoir ramenée à Hope-Farm le fut par une lettre du Canada, où se trouvaient quel-