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tais lié par aucune, je me sentais coupable en songeant à ce que j’avais fait dans un élan de pitié pour les souffrances et l’anxiété auxquelles ma pauvre cousine était en proie.

De prime-abord je voulus communiquer à Holdsworth ce qui venait de se passer ; mais en face de ma lettre, déjà écrite à moitié, de nouveaux scrupules m’avaient envahi. C’était bien assez d’avoir dit à Phillis qu’elle était aimée ; ce serait trop, sur de simples conjectures, que d’écrire à notre ami ce que je croyais savoir au sujet du retour qu’on accordait à sa tendresse et des tourments que son absence avait causés. Et cependant pouvais-je, sans entrer dans tous ces détails, lui expliquer comment j’avais été amené à répéter ce qu’il m’avait dit lui-même la veille de son départ ? Ne valait-il pas mieux laisser aux événements leur cours naturel ?…

Après bien des hésitations, la lettre commencée ne partit point.

J’en avais depuis reçu deux, où le jeune ingénieur se manifestait dans tout l’essor de sa virile énergie, et je les avais adressées toutes deux au ministre, car chacune d’elles renfermait un souvenir particulier pour les habitants de Hope-Farm. À part cela, d’ailleurs, il ne pouvait manquer de les lire avec intérêt, comme tout ce qui apportait les échos de la vie extérieure dans le cercle de son horizon restreint. Je l’ai dit, tout l’intéressait ; la souplesse de son intelligence le rendait capable de s’entendre à tout ce qu’il aurait entrepris : ingénieur, marin (il ne parlait de la mer qu’avec enthousiasme), légiste même au besoin, car après avoir lu De Lolme il nous rassasia de dissertations sur les points fondamentaux du droit constitutionnel.

Quant aux lettres de Holdsworth, il y prit tellement goût qu’il y joignit, en me les renvoyant, une liste de