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voyageur s’était servi, mais elle m’arrêta dès le début.

« Taisez-vous, Paul !… » Puis, après quelques secondes, la tête toujours dans ses mains et d’une voix beaucoup moins élevée : « Ne m’en veuillez pas si je préfère ne rien entendre de plus. Croyez bien que je vous suis obligée, ne prenez pas ceci pour de l’ingratitude… Seulement, voyez-vous, j’aime mieux qu’il me dise tout lui-même, quand il sera revenu. »

Ensuite elle se remit à pleurer, mais non plus les mêmes larmes. Je ne disais plus rien, j’attendais. Bientôt après, se tournant de mon côté, toutefois sans affronter mon regard, elle mit sa main dans la mienne avec un abandon enfantin.

« Ne pensez-vous pas, disait-elle, qu’il vaut mieux rentrer ?… Ai-je l’air d’avoir pleuré ?… Bast ! nous mettrons cela sur le compte de mon rhume… Allons, Paul, un bon galop nous réchauffera. »

Nous courûmes ainsi, la main dans la main, jusqu’au seuil de la maison.

Là, s’arrêtant tout à coup :

« Paul, me dit-elle, je vous le demande en grâce, ne parlons jamais de ceci !  »


XVII


Je partis quelques heures après pour ne revenir qu’aux fêtes de Pâques.

N’allez pas croire que dans ce long intervalle ma conscience m’ait laissé parfaitement en paix avec moi-même. Il était évident, à mes yeux, que j’avais transgressé la ligne du devoir strict. Sans trahir formellement aucun secret, sans manquer à aucune promesse, puisque je n’é-