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Elle obéit avec un soupir. Je la vis se glisser en se courbant hors de son refuge ; puis, se redressant, elle resta debout en face de moi, dans ce verger désert aux ramures effeuillées.

Son visage respirait tant de douceur et de tristesse que je lui aurais volontiers demandé pardon de lui avoir tenu un langage si nettement impérieux.

« Que voulez-vous ? me dit-elle. J’étouffe parfois dans cette maison… Vous me donnez une marque d’intérêt, et je vous en remercie, mais il n’était pas nécessaire de me relancer jusque dans cet abri. J’endure le froid mieux que vous ne pensez.

— Suivez-moi jusqu’à l’étable, ma bonne Phillis… J’ai quelque chose d’essentiel à vous dire, et vraiment je n’endure pas le froid aussi bien que vous. »

Je me figure qu’elle aurait encore voulu s’enfuir, mais elle était pour ainsi dire hors de combat. Bien qu’avec regret, — je m’en aperçus, — elle me suivit.

L’air de l’étable, chargé d’émanations vivifiantes, était un peu moins glacial que celui du dehors. Je la fis entrer et restai moi-même sur le seuil, en quête de mon exorde. À la fin, las de chercher, je brusquai l’affaire.

« J’ai plus d’une raison, lui dis-je, pour vous empêcher de prendre mal… Quelqu’un là-bas en aurait tant de chagrin ! »

Là-bas, c’était le Canada, il n’y avait pas à se méprendre. Phillis me jeta un regard pénétrant, puis se détourna par un mouvement empreint d’une certaine impatience. Encore à ce moment, libre de s’échapper, elle eût pris la fuite, mais j’occupais l’unique issue.

« Allons, pensai-je, la glace est brisée, il n’y a plus à reculer. » Je repris rapidement, sans plus m’inquiéter de rien : « Au moment même de son départ, il m’a tant parlé