Page:Gaskell - Cousine Phillis.djvu/11

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

rait apitoyer les riches fabricants sur le sort des mains[1] qui avaient édifié leurs fortunes. Aux uns, elle signalait l’abîme d’où pouvaient surgir des tempêtes ; aux autres, elle expliquait, mais avec moins d’éloquence, les entraves qui s’opposent aux mesures d’humanité, la concurrence qui fait baisser les salaires, la nécessité, parfois impérieuse, de fermer les ateliers pour échapper au déshonneur d’une faillite : mais ce qui n’entraîne qu’une gêne momentanée pour le fabricant est la mort de l’ouvrier.

Après les premières clameurs, la justice se fit jour. Il y avait trop de vérité dans les peintures, trop de conviction chez l’écrivain, pour que la cause ainsi plaidée ne ralliât pas de nombreux partisans. Dans un pays comme l’Angleterre, où la publicité n’a pas de limites, où, à voir la quantité prodigieuse d’ouvrages qui s’impriment et se débitent chaque mois, il semble que les Anglais aient la faculté de lire, non-seulement en voyageant, en mangeant, mais en dormant, un livre qui soulève tant de questions, qui touche à tant d’intérêts, pénètre rapidement dans toutes les classes. Le public forme alors un immense jury appelé à juger des faits qu’on lui expose, et l’opinion devient toute puissante. Elle se prononça en faveur de Mrs Gaskell ; au style ému on avait deviné une femme ; la couleur locale, les études de mœurs, le dialecte du Lancashire si bien compris, si bien rendu, trahissaient une habitante de Manchester. L’auteur ne renia pas son œuvre. Elle fut prônée, fêtée, et ce qui certes lui alla plus au

  1. Hands. On nomme ainsi, en Angleterre, les travailleurs des fabriques.