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La tante Holman et la cousine travaillaient en silence autour de la petite table ronde placée devant le feu. Le ministre avait étalé ses livres sur le dressoir et s’absorbait dans ses études à la clarté douteuse d’une seule bougie. La crainte de le déranger expliquait le silence inaccoutumé qui régnait autour de lui.

On me fit comme toujours bon accueil, sans beaucoup de bruit ni démonstrations extraordinaires ; on s’occupa de faire sécher les surtouts humides dont je venais de me débarrasser en entrant, on hâta les apprêts du souper, et, une fois installé au coin du foyer, je pus à mon aise examiner ce qui se passait autour de moi.

Phillis était toujours très-pâle : ses mouvements accusaient une certaine lassitude ; sa voix avait je ne sais quelles vibrations morbides, je ne sais quels frémissements fiévreux. Aussi active qu’à l’ordinaire, aussi adroite, aussi empressée, l’ancien ressort faisait faute à chacun de ses mouvements.

La tante Holman se mit à me questionner ; le ministre, quittant ses livres chéris, vint prendre place en face de moi et prêter l’oreille aux nouvelles que j’apportais, comme on ouvre sa poitrine aux émanations d’une brise venue de loin. J’avais à leur expliquer une absence de cinq semaines ; mais ils comprirent à merveille les exigences, de ma nouvelle situation et la docilité que je devais apporter dans mes relations avec un supérieur à qui j’étais encore inconnu.

« C’est bien, Paul, c’est bien, me dit le ministre avec un geste d’approbation. Cette forte discipline te sera salutaire…, plus salutaire que la liberté dont tu avais pris l’habitude avec ton ancien patron.

— Ah ce pauvre M. Holdsworth ! s’écria la chère tante. Penser qu’il est à cette heure sur les flots salés !…