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XIV


Il était fort tard, le samedi, quand je pus me rendre à la ferme. La gelée, bien établie, durcissait le sol, qui craquait sous mes pieds ; les gens de la maison durent m’entendre arriver de loin. Ils étaient assis à leur place ordinaire. Les regards de Phillis allèrent, par delà mon épaule, chercher quelqu’un et retombèrent ensuite, avec un désappointement calme, sur l’ouvrage qu’elle tenait à la main.

« Et M. Holdsworth, on ne le voit pas ? demanda la tante après une ou deux minutes d’entretien. Son rhume, j’espère, ne s’est pas aggravé ?… »

Un rire gauche et contraint inaugura ma réponse. Je me sentais porteur de fâcheuses nouvelles.

« Espérons que son rhume va mieux, car il est parti… Il est sur la route du Canada. »

Tout en me dépêchant de porter ce coup, je me gardai bien de regarder du côté de Phillis.

« Au Canada ? se récria le ministre.

— Parti ? » répéta sa femme.

Mais de ma cousine, pas un mot.

Je repris en sous-œuvre tout ce qui était relatif au départ, aux motifs qui avaient déterminé Holdsworth, aux regrets qu’il éprouvait, aux adieux dont j’étais chargé par lui… Phillis se leva soudain et sortit de la salle à pas muets.

Le ministre m’interrogea bientôt en détail sur les plans d’avenir que le jeune ingénieur avait pu concevoir. Il alla prendre dans son « capharnaüm » un atlas de grand format et d’âge respectable, où il chercha le site exact du