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LADY LUDLOW.

Mais lorsque j’allai trouver la marquise, après que son fils lui eut parlé de son désir, je découvris mon erreur. Mme de Courcy, trop faible en général pour marcher même avec un bâton, parcourait sa chambre d’un pas rapide, bien que tremblant, et se tordait les mains en se parlant à elle-même. Elle s’arrêta dès qu’elle m’aperçut, et m’adressant la parole avec feu :

« Madame, me dit-elle, vous avez perdu votre fils, mais il fallait me laisser le mien. »

Je ne sus d’abord que répondre, tellement j’étais surprise. J’avais parlé à Clément comme si la démarche qu’il voulait tenter avait déjà eu l’approbation de sa mère ; en pareil cas, si Urian m’avait demandé la mienne, je n’aurais pas pu la lui refuser ; mon cœur a toujours bondi à la pensée du péril que l’on me raconte, et ne pouvant y courir moi-même, je n’ai pas de repos que je ne sache qu’on a été au secours des malheureux dont on parle. C’est peut-être parce que ma vie a toujours été paisible que le danger m’impressionne aussi vivement, et que je m’imagine qu’on va pouvoir le conjurer. Mais cette pauvre marquise ne pensait pas comme moi, et ne partageait ni mon espoir, ni la confiance de son fils.

« Il nous reviendra sain et sauf, lui dis-je ; on prendra toutes les précautions possibles ; on fera pour lui tout ce que vous pourrez imaginer, tout ce que milord ou Monkshaven croiront utile de faire. Mais il ne peut pas abandonner une jeune fille qui, après vous, est sa plus proche parente, sa fiancée, chère madame !

— Sa fiancée ! reprit-elle avec indignation ; Virginie la fiancée de Clément ! Certes non, grâces à Dieu ! Il fut une époque où la chose aurait pu être ; mais mademoiselle a méprisé mon fils. Elle n’a voulu avoir aucun rapport avec lui ; qu’à son tour il n’ait rien de commun avec elle. »

Le pauvre Clément venait d’entrer dans la chambre et