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LADY LUDLOW.

ment. Monkshaven, c’était ainsi qu’on appelait mon fils aîné, essayait en vain de le distraire et de le faire participer aux plaisirs de son âge ; rien ne diminuait sa tristesse.

Un jour, on vint me dire qu’un vieil émigré, d’une humble condition, s’était présenté à mes domestiques, dont plusieurs parlaient français ; Meldlicott m’apprit qu’il appartenait à la maison de Courcy : c’était, je crois, le régisseur d’un grand domaine, qui, à vrai dire, n’était qu’un terrain de chasse, et n’ajoutait pas beaucoup au revenu de la famille. Toujours est-il que ce brave homme avait apporté en Angleterre les parchemins et la copie des actes relatifs à ce domaine, et qu’il venait trouver M. de Courcy pour lui remettre ces papiers. Clément était sorti avec mon fils ; quand il rentra, je lui appris l’arrivée du vieux régisseur, qu’il alla trouver aussitôt. Il resta fort longtemps avec cet homme ; nous devions aller ensemble faire une course en voiture, et, fatiguée de l’attendre, j’allais sonner pour lui rappeler son engagement, lorsqu’il rentra chez moi la figure aussi blanche que la poudre qui lui couvrait les cheveux.

« Qu’avez-vous ? » lui demandai-je.

Il me serra les mains et me regarda sans pouvoir articuler un seul mot.

« Ils ont pendu mon oncle, » dit-il après un instant de silence.

Je savais qu’il existait un comte de Courcy ; mais c’était un vaurien qui déshonorait la famille, et l’on m’avait toujours fait entendre qu’il n’avait aucun rapport avec la branche aînée. Je fus donc un peu surprise de cet excès d’émotion, jusqu’au moment où je vis dans les yeux du jeune homme ce regard particulier qui révèle une terreur plus profonde qu’on n’ose le dire. Il avait besoin d’être entendu sans paroles, mais j’ignorais qu’il existât une demoiselle de Courcy.