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AUTOUR DU SOFA.

cabinet de toilette. Brave et digne jeune homme, que de gratitude ne m’exprimait-il pas ! n’osant rien dire, de peur de troubler la malade, il s’était agenouillé devant moi, et m’embrassait les mains qu’il arrosait de ses larmes.

Je lui permis de donner cours à cette muette expansion qui soulageait son cœur, et je rentrai dans ma chambre, où je racontai à milord tout ce qui avait été fait. Jusque-là, tout allait bien ; mais ni moi ni mon mari nous ne pûmes dormir, tant nous étions inquiets du réveil de la marquise ; et ce fut avec une joie bien vive que j’appris le lendemain matin que Mme de Courcy était beaucoup plus tranquille qu’elle ne l’avait été depuis longtemps. Il est certain que la chambre où elle se trouvait alors devait lui laisser une impression bien différente de celle que lui causait le misérable taudis où je l’avais vue la veille ; elle devait instinctivement se sentir chez des amis.

Bref, la santé de la marquise s’améliora si rapidement qu’au bout de quelques jours nous pûmes supposer qu’elle nous faisait une visite avec son fils, et oublier, en voyant celui-ci vêtu de nouveau comme devait l’être un gentilhomme, qu’ils avaient été contraints de s’enfuir de leur pays.

Les choses continuèrent de la sorte pendant plusieurs semaines. Nos amis étaient reçus partout avec faveur ; Clément avait été présenté à la cour, accueilli de la manière la plus gracieuse par Leurs Majestés, qui un soir lui avaient même adressé la parole ; et sa charmante figure, l’élégance de ses manières, jointes à plusieurs circonstances qui avaient accompagné sa fuite, en avaient fait un véritable héros de roman. Il n’est pas de maison distinguée où il n’eût été reçu dans l’intimité, s’il en avait éprouvé le désir ; mais il n’allait dans le monde qu’avec indifférence, et je crois que plus il montrait de langueur et d’ennui, plus on lui témoignait d’empresse-