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LADY LUDLOW.

médecin qui soignait la marquise, je remontai en voiture, après avoir dit à Clément que je reviendrais avant peu, et je me fis conduire chez le docteur. Je ne voulais qu’une chose, savoir si la malade pouvait être transportée chez moi, et quel était le meilleur moyen que nous pussions employer.

Ce médecin était, je crois, fort habile ; mais il avait cette brusquerie, pour ne pas dire cette grossièreté, que l’on prend au contact des classes inférieures. Je lui dis tout l’intérêt que je portais à la malade, et l’intention où j’étais de la faire conduire chez moi.

« C’est impossible, dit-il, le transport la tuerait.

— Cela sera pourtant, répondis-je, et il ne faut pas qu’elle meure.

— Dans ce cas-là, je n’ai plus rien à dire, » riposta mon bourru, qui fit mine de s’éloigner de ma voiture.

Mais je connaissais l’argument qui devait le trouver sans réplique, et il fut convenu que la marquise, soigneusement enveloppée, serait transportée chez moi dans une litière, à une heure assez avancée de la nuit pour ne rencontrer personne dans les rues.

Nous avions tout préparé pour la recevoir, et, bien que chaussés de pantoufles, nous descendions sans cesse dans la cour, tandis que le concierge était de planton à la porte. J’aperçus enfin, au milieu des ténèbres, les lanternes portées par les hommes qui dirigeaient le convoi ; la litière ressemblait à un cercueil, et j’eus bien de la peine à retenir mes larmes. D’un côté marchait le docteur ; de l’autre était Clément. Ils arrivèrent, et n’osant pas la fatiguer davantage, nous couchâmes cette pauvre marquise avec les grossiers vêtements de nuit que la brave femme de l’auberge lui avait prêtés. On la couvrit chaudement, et nous la laissâmes dans la chambre avec le docteur, une garde et Clément, qui avait son lit dans le