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AUTOUR DU SOFA.

que mon grand-père nous demandait en riant si nous savions ce qu’était devenu l’appétit du pasteur.

« Et la corneille fut-elle mangée ?

— Certainement, chère petite ; on obéissait toujours à mon aïeul ; c’était un homme terrible quand il était en fureur, et personne n’aurait osé provoquer sa colère. Quelle différence entre le pasteur Hemming et celui d’aujourd’hui, ou même entre ce bon M. Montford et M. Gray ! ce n’est pas lui qui aurait osé me contredire !

— Votre Seigneurie est donc bien persuadée qu’une école du dimanche ne serait pas une bonne chose ? demandai-je timidement.

— Une très-mauvaise, chère petite. Je trouve, ainsi que je l’ai dit à M. Gray, qu’il est nécessaire à tout le monde de savoir le Credo et l’Oraison dominicale ; chaque enfant, dont la famille suit régulièrement les pratiques de l’Église, doit connaître ces deux prières ; je veux bien aussi qu’on leur enseigne les dix commandements de Dieu ; ils y apprennent leurs devoirs dans un langage simple et facile à comprendre. Mais si vous leur montrez à lire et à écrire, ainsi qu’on l’a fait pour ce petit malheureux qui était là tout à l’heure, c’est une grande faute ; leurs devoirs se compliquent, les tentations se multiplient, elles deviennent plus puissantes chez des êtres qui n’ont pas de principes héréditaires, de traditions d’honneur pour les sauvegarder contre le mal. C’est toujours mon ancienne comparaison du cheval de course et du cheval de trait, dont les aptitudes ne sauraient être les mêmes. Je suis vraiment désolée de cette affaire de ce matin ; elle me rappelle une histoire bien douloureuse, celle de Clément de Courcy. Ne vous l’ai-je pas racontée ?

— Non, madame, répondis-je.

— Il y a vingt ans, reprit-elle, nous passâmes un hiver à Paris. Lord Ludlow y avait un grand nombre de con-