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AUTOUR DU SOFA.

qui discourait hier sur le droit que tous les enfants ont à l’instruction ! J’ai failli perdre patience, et j’ai fini par lui dire que je ne voulais pas, dans mon village, d’école du dimanche, qu’il appelle le jour du sabbat tout comme s’il était juif.

— Qu’a-t-il répondu, milady ?

— Vous ne croiriez pas qu’il s’est emporté, qu’il s’est vu forcé, disait-il, de me rappeler qu’il était sous l’autorité de l’évêque, et non pas sous la mienne ; bref, il m’a fait entendre qu’il n’en ferait pas moins tous ses efforts pour arriver à son but, en dépit de l’opinion que je lui avais exprimée.

— Et Votre Seigneurie ? me hasardai-je à demander tout bas.

— Je n’ai pu que lever le siège, lui faire la révérence et le congédier poliment. Quand deux personnes en sont arrivées, sur un sujet quelconque, à différer aussi complètement que M. Gray et moi nous le faisons sur ce point, le seul parti à prendre quand on veut rester en bons termes, est de rompre immédiatement le débat, et de ne plus y revenir ; c’est l’une des rares occasions où il soit nécessaire d’agir avec rudesse. »

J’en étais désolée pour M. Gray. Il était venu me voir plusieurs fois pendant que j’étais malade ; ses bons conseils m’avaient fait supporter mes douleurs avec plus de patience que je ne l’aurais fait sans lui, et je savais, d’après certaines choses qu’il m’avait dites, combien il prenait à cœur l’établissement de cette école. J’avais pour lui tant d’affection, pour milady tant de respect et de gratitude, que je souffrais horriblement de cette mésintelligence qui tous les jours les séparait de plus en plus. Je ne pouvais en rien dire ; mais je suppose que lady Ludlow devina le fond de ma pensée, car elle me dit au bout de quelques instants :