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AUTOUR DU SOFA.

— Dans ce cas-là, répondit tranquillement lady Ludlow, mais d’un air ennuyé, vous auriez mieux fait de l’introduire sans plus de paroles. »

Un instant après la porte s’ouvrit à deux battants, et l’on vit apparaître un jeune gars, souple et nerveux, dont la chevelure ébouriffée se tenait toute droite, comme sous l’influence d’un courant électrique ; sa figure courte et brune, que la frayeur et l’animation avaient rougie, présentait une grande bouche résolue et deux yeux brillants, profondément enfoncés dans leur orbite, qui firent le tour de la chambre comme pour saisir, dans tout ce qu’ils apercevaient, matière à nombreuses réflexions pour l’avenir. Savait-il qu’on doit attendre que les personnes d’un rang supérieur vous adressent la parole, ou le saisissement l’empêcha-t-il de parler ? je n’en sais rien ; mais ce fut milady qui rompit le silence la première.

« Que me voulez-vous ? lui dit-elle d’une voix si douce qu’il en parut étonné.

— Plaît-il ? demanda le pauvre enfant comme s’il avait été sourd. — Vous venez de la part de M. Horner ? reprit milady qui parla un peu plus haut. Pour quelle raison avez-vous cherché à me voir ?

— Si vous plaît, Votre Seigneurie, M. Horner a été obligé de partir subitement pour Norwick. »

Ses traits se contractèrent comme s’il avait eu envie de pleurer ; mais il serra fortement les lèvres et parvint à se remettre.

« Après ? demanda lady Ludlow.

— Il est parti tout d’un coup.

— Qu’ai-je à voir à cela ?

— Il m’a laissé un billet pour Votre Seigneurie.

— Vous auriez pu le remettre au domestique.