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AUTOUR DU SOFA.

de fleurs est un luxe réservé au petit nombre, que l’entretien des rideaux de mousseline, des tentures de perse à fond blanc, occasionnent des frais de blanchissage que l’on économise par l’emploi de ces étoffes de laine couleur de poussière qui révoltaient mes yeux. Pas un sou n’avait été dépensé pour donner au salon quelque peu d’élégance ; et les meubles, strictement indispensables, dont on l’avait garni, étaient loin d’offrir les avantages qu’au premier abord ils faisaient espérer. Le sofa, recouvert d’une étoffe de crin, noire, dure et glissante, n’était nullement un lieu de repos : le vieux piano servait de buffet, la grille de la cheminée, réduite à sa dernière expression par un appendice intérieur, permettait à peine d’y entretenir un feu de veuve. Mais la nudité de ces pièces, froides et mal closes, n’était pas le seul inconvénient que je reprochais à notre logis. On nous avait pourvues d’un passe-partout qui nous donnait le moyen d’ouvrir la porte extérieure et de monter l’escalier sans déranger personne, de manière qu’on rentrait sans recevoir le moindre accueil, sans entendre une voix humaine dans cette maison, qui paraissait abandonnée. M. Mackensie, notre propriétaire, ne manquait pas de faire valoir, comme un précieux avantage, le silence qui régnait dans sa demeure, avantage qui pour moi la faisait ressembler à une tombe. Un autre inconvénient, qui semblerait contredire mes paroles, était le danger que nous courions sans cesse de voir apparaître le vieux professeur à la porte de sa chambre, au moment où nous passions. Le fin matois nous faisait alors, d’un air timide et rusé, quelques offres polies qui n’étaient qu’un prétexte pour nous soutirer de l’argent, et dont le refus devenait presque impossible. C’étaient quelques volumes qu’il me priait de choisir dans sa bibliothèque, en ayant soin d’ajouter, au moment où je cédais à ses instances, que le prix de la location d’ou-