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LADY LUDLOW.

voir, affirme qu’il a passé toute la journée à plusieurs milles de l’endroit où le vol a été commis ; elle prétend même que la preuve vous en a été donnée.

— Aucune preuve de ce genre n’est arrivée à ma connaissance avant l’époque où j’ai décerné le mandat, répondit M. Lathom d’un air un tant soit peu bourru ; je ne suis pas responsable de la décision des autres magistrats, et n’ai pas à m’inquiéter des nouveaux témoignages qu’ils avaient pu recevoir lorsque, sur ma demande, ils ont envoyé ce misérable en prison. »

Il était rare que le visage de lady Ludlow trahît son impatience ; mais nous jugeâmes de l’irritation qu’elle éprouvait, au battement continuel du grand talon de son petit soulier contre le fond du carrosse. Au même instant, nous qui étions assises sur le devant de la voiture, nous aperçûmes M. Gray dans la salle du manoir ; l’arrivée de milady avait interrompu l’entretien que le pasteur était venu demander au magistrat ; et il est fort probable que le jeune ecclésiastique ne perdait pas un mot de la conversation qui se tenait à la portière du carrosse. Quant à milady, elle ne se doutait pas de la présence du ministre ; en voyant M. Lathom décliner la responsabilité des actes de ses collègues, elle lui répondit par l’argument dont M. Gray s’était servi à son égard, il n’y avait pas deux heures.

« Monsieur Lathom, lui dit-elle, vous êtes responsable de toutes les injustices que vous pouvez prévenir, de tous les maux que vous pouvez empêcher. Dans cette circonstance, d’ailleurs, l’injustice a pour base une méprise de votre part. J’aurais voulu que vous fussiez avec moi tout à l’heure, et que vous eussiez vu la misère qui règne dans le cottage de ce pauvre homme. »

Elle avait baissé la voix, suivant son habitude lorsqu’elle était émue ; peu à peu M. Gray s’était approché