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LADY LUDLOW.

qu’une religieuse papiste. Nous travaillions avec elle une grande partie de la journée, soit dans le laboratoire, soit dans l’atelier de couture qui donnait dans la grande salle. Lady Ludlow méprisait tous les ouvrages de fantaisie ; elle les considérait comme étant bons tout au plus à distraire les enfants ; quant aux femmes, elles devaient restreindre leurs plaisirs à un ouvrage de couture délicat et soigné. Les grandes tapisseries qui décoraient la salle étaient bien l’œuvre de ses aïeules ; mais celles-ci vivaient avant la réforme et ignoraient, par conséquent, cette pureté de goût et de principes qui doit régner dans les moindres actes de la vie, aussi bien que dans les croyances religieuses. Sa Seigneurie n’approuvait pas davantage la mode qui existait alors, parmi les femmes du monde, de fabriquer des souliers ; c’était, disait-elle, la conséquence de la révolution française qui avait bouleversé toute la hiérarchie sociale, et qui permettait qu’on vît des jeunes filles de bonne maison manier une alène, et se servir de poix, comme si leur père avait été cordonnier.

Il arrivait souvent que nous étions demandées l’une ou l’autre pour aller faire à Sa Seigneurie la lecture de quelque livre instructif ; c’était, en général, le Spectateur d’Addison ; toutefois je me rappelle un certain ouvrage traduit de l’allemand, que mistress Medlicott avait recommandé à milady : les Réflexions de M. Sturm, qui nous disait à quoi il fallait penser chaque jour, et cela depuis le premier janvier jusqu’au trente et un décembre. Rien n’était plus ennuyeux ; mais la reine Charlotte avait beaucoup aimé ce livre, et le souvenir de cette royale approbation combattait chez milady l’influence de cette lecture soporifique. Les Lettres de mistress Chapone et les Conseils du docteur Grégoire aux jeunes filles étaient, avec les ouvrages précédents, les seuls livres qu’on trouvât dans