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AUTOUR DU SOFA.

bien recommandé de prendre pour revenir le chemin le plus long, puisqu’il était le plus sûr. J’eus bientôt gagné le terme de mon voyage ; mes affaires se trouvant achevées beaucoup plus tôt que je ne l’avais espéré, je crus inutile de suivre la route pour revenir à la maison et je retournai par les landes, où je m’engageai vers le soir. Le ciel était sombre et la plaine avait un aspect désolé ; mais l’air était calme et je pensai que j’aurais bien le temps de gagner la ferme avant que la neige vînt à tomber. Je pressai le pas ; la nuit marcha plus vite encore. Pendant le jour il m’avait été facile de reconnaître le bon sentier, bien qu’en certains endroits on pût être embarrassé de choisir entre tous ceux qui s’offraient à vos regards ; mais un rocher, un pli du terrain pouvaient alors vous servir de points de repère, tandis que le soir ils devenaient invisibles.

J’appelai tout mon courage à mon aide, et je pris un sentier que je croyais reconnaître ; je me trompais, il me conduisit à un bas fond marécageux, dont le silence ne paraissait jamais avoir été troublé par les pas d’un homme. J’essayai de crier, plutôt pour me rassurer moi-même que dans l’espoir de me faire entendre ; mais les sons brefs et haletants de ma voix sourde et rauque, me remplirent d’épouvante. Tout à coup d’épais flocons tourbillonnèrent dans l’ombre, et je sentis la neige me glacer la figure et les mains. Je perdis alors tout sentiment de la direction que je devais prendre ; je ne pouvais plus revenir sur mes pas, il m’était impossible de savoir où j’étais. La neige m’enveloppait de plus en plus, il me semblait que l’obscurité devenait palpable. Le sol fangeux tremblait sous mes pieds dès que je restais quelques instants à la même place, et je n’osais pas avancer.

Je n’avais plus ni la témérité, ni le courage ordinaires à la jeunesse ; sans un dernier sentiment de honte, je