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AUTOUR DU SOFA.

voltait contre cette union peut-être sacrilège, et qu’il n’avait plus de pardon à espérer.

Pritchard envisageait le fait à un point de vue plus réel et plus grave. Si le cadavre du squire de Bodowen était trouvé dans un bateau, que chacun savait appartenir à son fils, de terribles soupçons naîtraient de cette preuve accablante. Plus d’une fois dans la soirée, Pritchard s’était dit qu’il serait plus sage de donner à sir Griffith la sépulture des marins, c’est-à-dire de coudre le mort dans un lambeau de voile, d’y attacher un poids considérable pour qu’il ne pût surnager, et de le jeter à la mer où il disparaîtrait sans retour. Nos fugitifs pourraient, alors revenir à Ty-Glas, où ils attendraient que le jeune squire pût prendre possession de l’héritage du défunt ; à moins que trop bouleversé par les derniers événements, Owen ne préférât s’éloigner du pays, jusqu’au jour où l’émotion causée par la mort de sir Griffith serait complètement apaisée.

Mais à présent, le retour immédiat n’était plus possible quelque déchaînée que fût la tempête, il fallait partir à l’instant même, et se cacher à une certaine distance, au moins pour quelque temps. La nuit précédente, Ellis n’aurait pas craint l’orage, secondé par Owen, tel qu’il était alors ; mais que devenir sans autre assistance que celle d’un homme égaré par le désespoir, et qui acceptait la fatalité dont il se croyait poursuivi ?

Cependant les fugitifs s’éloignèrent du rivage, assaillis au milieu des ténèbres, par les vents et les flots, et jamais ils ne reparurent aux regards des hommes.

Aujourd’hui le manoir de Bodowen n’offre plus qu’un amas de décombres noircis et humides, et c’est un Saxon qui possède le patrimoine des Griffith.