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LA DESTINÉE DES GRIFFITH.

été replacé sous la mante, j’ai cru sentir que l’ombre de mon père s’est approchée de nous, et qu’elle s’est inclinée sur la chère petite créature ; un souffle étrange a frappé mon visage lorsque je me suis baissé vers l’enfant, et il m’a semblé voir l’âme innocente de notre fils guider celle de mon père, et la conduire aux portes du ciel, malgré ces chiens maudits qui s’élancent du nord à la poursuite des âmes.

— Ne parle pas ainsi, Owen, lui dit Nest en s’attachant à lui ; qui peut dire si personne ne nous écoute ? »

Ils gardèrent le silence et restèrent plongés dans une terreur indicible, jusqu’au moment où ils entendirent Ellis Pritchard qui les cherchait en disant à voix basse :

« Où êtes-vous ? suivez-moi, et surtout ne faites pas de bruit ; on cherche le squire, madame est folle d’inquiétude, il y a du monde dans tous les environs. »

Quelques instants après, les trois fugitifs s’embarquaient dans le bateau d’Ellis. La mer était houleuse et battait la falaise, même en cet endroit protégé contre le vent ; et les nuages, déchirés et tordus par la tempête, couraient avec force au-dessus des flots tumultueux.

Le bateau pêcheur sortit du havre où il était abrité, conduit par Pritchard, qui seul proférait de temps en temps quelques paroles brèves pour indiquer la manœuvre ; il se dirigea vers les rochers où le jeune squire avait amarré son canot ; mais lorsqu’il y arriva, l’esquif n’y était plus ; sa chaîne avait été brisée, et nul ne pouvait dire où l’avait jeté l’orage.

Owen alla s’asseoir et se couvrit la figure de ses mains. Cet événement, si naturel et si simple en lui-même, frappait d’une manière étrange son esprit superstitieux. Il avait eu l’espérance de se réconcilier avec son père, en déposant le corps du squire et de son enfant dans la même tombe ; il lui semblait maintenant que sir Griffith se ré-