Page:Gaskell - Autour du sofa.djvu/319

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
315
LA DESTINÉE DES GRIFFITH.

avec orgueil que sa fille, malgré ses habits de paysanne et sa coiffure en désordre, n’en était pas moins en réalité maîtresse de Bodowen, la plus grande de toutes les maisons qu’il eût jamais vues depuis qu’il était au monde.

Il fit avec adresse plusieurs questions à son gendre, relativement à la mort de sir Griffith. De son côté, Owen éprouvait un certain soulagement à parler de cet horrible malheur, dont il avait besoin de rejeter la cause sur le hasard ou la fatalité ; et quand Ellis eut terminé son repas, si toutefois on peut appeler ainsi la collation qu’il venait de faire, il avait appris tout ce qu’il voulait savoir.

« Maintenant, dit-il à sa fille, couvre-toi bien ; fais un paquet de tes hardes les plus indispensables, et dépêchons-nous, car il faut que vous soyez au point du jour à moitié chemin de Liverpool. Je vais vous conduire au delà des sables de Rhyl, mon bateau aura le vôtre à sa remorque ; et je reviendrai ensuite avec le produit de ma pêche, afin d’apprendre comment les choses se seront passées à Bodowen. Une fois à Liverpool, vous n’aurez rien à craindre, personne ne vous connaît ; vous pourrez y attendre en toute sûreté qu’il vous soit permis de revenir au manoir.

— Je n’y rentrerai jamais, dit Owen d’un air sombre, c’est un endroit maudit.

— Bah ! laissez-moi vous guider, jeune homme, reprit le pêcheur ; nous allons d’abord toucher à la pointe de Llyn, dont l’ecclésiastique est un de mes petits cousins, — les Pritchard ont connu de meilleurs jours, — et nous le ferons enterrer là. Ce n’est qu’un simple accident ; vous pouvez relever la tête. Croyez-moi, vous reviendrez au manoir ; vous le remplirez d’enfants, et vous vivrez pour les bénir.

— C’est impossible, dit Owen ; je suis le dernier de ma race, et le fils a tué son père. ».