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LADY LUDLOW.

parmi les masses. Quand, un peu plus tard, le recteur de la paroisse, étant mort, fut remplacé par un jeune ecclésiastique imbu des idées nouvelles, le développement de l’éducation populaire fut l’un des points sur lesquels Sa Seigneurie et le jeune ministre ne purent jamais s’entendre.

À l’époque où vivait M. Montford, ce bon vieux sourd qui dirigeait la paroisse lorsque j’arrivai au château, milady ne manquait jamais, quand elle n’était pas d’humeur à écouter le sermon, de s’avancer jusqu’à la porte de son énorme banc, et de dire au prêtre, à l’instant où celui-ci allait monter en chaire : « Ne vous donnez pas la peine de prêcher, M. Montford, je vous en dispense pour aujourd’hui ; » et tout le monde s’agenouillait pour entonner l’antienne avec la plus vive satisfaction, y compris M. Montford, qui savait à quoi s’en tenir, malgré sa surdité ; car il ne manquait jamais, à cet endroit de l’office, de tourner les yeux du côté de Sa Seigneurie, dont il épiait les moindres gestes.

Mais M. Gray, le nouvel ecclésiastique, était d’une pâte bien différente. Plein de zèle dans l’exercice de ses fonctions, il fut d’abord au mieux avec Lady Ludlow, qui, très-charitable envers les pauvres, ne tarissait pas en éloges sur les vertus du jeune prêtre : son arrivée était pour la paroisse une véritable aubaine, et il pouvait faire demander au château, sans crainte de jamais être refusé, tout ce qui lui était nécessaire pour ses malades : bouillon, bon vin, confitures ou sagou. Malheureusement il avait, comme tant d’autres, enfourché ce fatal dada de l’éducation du peuple, et je vis milady s’attrister un dimanche, où elle avait pressenti, je ne sais à quel propos, qu’il y aurait dans le sermon quelque chose de relatif à l’établissement d’une école. Elle se leva, comme autrefois, ce qu’elle n’avait pas fait depuis deux ans que M. Mont-