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AUTOUR DU SOFA.

serait-il avec émotion à l’enfant plein de tendresse, qui jadis accompagnait ses pas ? Ou bien, hélas ! se réjouirait-il avec sa femme de ne plus avoir entre eux l’héritier dont la présence était un obstacle à leur repos ?

Puis il songeait à la pauvre Nest, dont l’enfant n’était plus, et qui ne connaissait pas encore toute l’étendue de son malheur. Pauvre mère, si aimante et si dévouée ! Il se la figurait dans un autre pays, regrettant ses montagnes, et ne voulant pas être consolée, parce qu’elle avait perdu son enfant.

La nostalgie qui pouvait s’emparer de celle qu’il aimait, n’ébranla même pas la résolution qu’Owen avait prise, tant il avait à cœur de s’éloigner de son père, afin d’échapper à la destinée qui lui était prédite, et qu’il accomplirait fatalement, s’il restait dans le voisinage du meurtrier de son fils.

Il venait de terminer ses préparatifs, et ne songeait plus qu’à rejoindre la pauvre Nest, quand la porte s’ouvrit doucement et laissa passer la tête malicieuse du petit Robert, qui venait dans cette chambre avec l’intention d’y prendre quelque chose. Il hésita d’abord en apercevant Owen ; puis, retrouvant toute son audace, il vint poser la main sur le bras du jeune homme, et lui dit avec une figure narquoise :

— Comment va ta bonne amie, Nest Pritchard ? »

Le bambin se préparait à jouir de la confusion d’Owen ; mais il fut terrifié par l’éclair qui traversa les yeux du jeune homme, et, courut vers la porte où, se croyant en sûreté, il continua ses railleries de plus en plus insultantes.

« Ce n’est qu’un enfant ; il ne comprend pas la portée de ses paroles, » se disait Owen en serrant son fusil d’une main convulsive, et en cherchant à dominer l’orage qui s’élevait dans son cœur. Toutefois lorsque Robert, en-