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LA DESTINÉE DES GRIFFITH.

Pritchard raccommodait ses filets sur la grève, au moment où le jeune squire se rendait à la ferme ; l’ayant aperçu, il avait quitté sa besogne pour le recevoir, et venait d’entrer dans la salle lorsque la jolie Nest parut à son tour, les yeux baissés, le front couvert de rougeur, et sembla plus charmante que jamais à l’amoureux jeune homme.

Il faisait trop chaud, trop de soleil, trop de vent, trop de ce que vous voudrez, pour qu’on pût aller maintenant à la recherche des sarcelles, et Owen Griffith accepta avec joie l’offre timide qui lui était faite de partager le dîner du pêcheur et de sa fille. Du fromage de brebis sec et dur, quelques tranches de chevreau fumé et grillé, après avoir été trempé dans l’eau fraîche pendant quelques minutes, des tourteaux d’avoine, d’excellent beurre, de très-bon lait, et pour breuvage de la boisson faite avec des sorbes, composaient tout le menu ; mais la table était si proprement servie, l’accueil si franc et si cordial, que maître Owen avait rarement fait de repas qu’il eût trouvé meilleur. À dire vrai, l’ordinaire des gentilshommes gallois, à l’époque dont nous parlons, ne différait guère de celui de leurs tenanciers que par l’abondance et non par la qualité des mets.

Aujourd’hui, les gens riches du pays de Galles sont complètement au niveau de ceux d’Angleterre, quant au luxe et à toutes les recherches de la vie élégante ; mais dans ce temps-là, où vous n’auriez trouvé qu’un seul service d’étain dans le comté de Northumberland, rien dans la manière de vivre d’Ellis Pritchard ne blessait les habitudes d’Owen Griffith.

Les jeunes amants dirent peu de chose pendant toute la durée du repas ; ce fut Pritchard qui fit tous les frais de l’entretien, sans remarquer, du moins en apparence, le peu d’attention que lui accordait son hôte,