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LA DESTINÉE DES GRIFFITH.

pas moins rempli d’astuce et d’ambition. Il avait été frappé de l’effet produit par sa fille sur le jeune Griffith, et n’était pas insensible aux avantages qui pourraient en résulter. Ce ne serait pas la première paysanne qu’on aurait vue transplantée dans un château du pays de Galles ; et c’était sous l’influence de cette idée que le fin matois avait donné au jeune admirateur un prétexte qui lui fournit l’occasion de revoir celle qu’il aimait déjà.

De son côté, la jolie Nest avait bien un peu de l’esprit positif de son père ; flattée de la position qu’occupait dans le monde son nouvel adorateur, elle n’hésita pas à lui sacrifier tous ceux dont elle avait jusqu’alors accepté les hommages ; mais il y avait dans son désir de conserver les bonnes grâces d’Owen, et de gagner son amour, plus de sentiment que d’intérêt. Nest avait été profondément touchée de l’admiration que lui avait témoignée le gentilhomme ; elle était fière d’avoir attiré ses regards, dès qu’il l’avait aperçue, et ne restait pas insensible à la figure expressive, à la belle taille et aux manières élégantes du jeune seigneur.

Quant aux paroles de Martha au sujet de la réputation de Nest, elles étaient bien un peu dures ; le fait est que la charmante fille avait besoin d’admiration, ou plutôt qu’elle aimait à plaire ; elle trouvait un bonheur infini à charmer tout le monde de sa voix et de son sourire, depuis les vieillards, hommes ou femmes, jusqu’aux plus petits enfants. Comme elle avait perdu sa mère en bas âge, il faut bien dire qu’elle était allée jusqu’aux dernières limites de la coquetterie ; on ne pouvait pas lui reprocher autre chose ; mais les anciens du village avaient secoué la tête, et défendu à leurs filles d’aller trop souvent avec elle.

Même à l’instant où il les avait écoutées, l’amoureux Owen avait attaché peu d’importance aux paroles de