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AUTOUR DU SOFA.

dais surmontant une estrade où l’on arrivait par quelques marches, et où l’on voyait sur un guéridon, un pot au lait en argent, une tasse et un petit pain ; près du guéridon était un fauteuil en bois sculpté dont le dossier blasonné portait une couronne de comte.

Je pensais en moi-même que ces demoiselles auraient bien pu m’adresser la parole ; mais chacune était fort timide, et je ne l’étais pas moins. D’ailleurs, je venais à peine d’arriver par la petite porte, que Sa Seigneurie entra par une autre, qui était à côté de l’estrade ; nous lui fîmes une profonde révérence ; elle resta debout et me présenta à mes compagnes en leur recommandant de me faire un bon accueil ; je fus dès lors traitée avec la politesse obligeante que l’on doit à une étrangère, toutefois sans qu’on me parlât d’autre chose que de ce qui avait rapport au souper. Lorsque nous eûmes fini de manger la tarte et qu’on eut dit les grâces, des domestiques vinrent enlever ce qu’il y avait sur la table et apportèrent un grand pupitre, qu’ils posèrent à côté du fauteuil de milady.

Toutes les personnes de la maison se rassemblèrent autour de l’estrade ; Sa Seigneurie appela l’une de mes compagnes, qui s’approcha du pupitre, où une Bible avait été placée, et la jeune fille lut les psaumes indiqués par le rituel. Je me souviens de m’être dit en moi-même combien j’aurais tremblé s’il m’avait fallu être à sa place. Il n’y eut pas la moindre prière ; c’était aux yeux de lady Ludlow une hérésie coupable que de prier en dehors de l’office ; elle aurait mieux aimé faire elle-même un sermon à l’église paroissiale que de permettre à un laïque de débiter des prières dans une maison ; je ne suis pas bien sûre qu’elle l’eût toléré de la part d’un ecclésiastique en dehors du lieu saint.

Lady Ludlow avait été jadis fille d’honneur de la reine