Page:Gaskell - Autour du sofa.djvu/278

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
274
AUTOUR DU SOFA.

Au nombre des souvenirs qu’a laissés la puissance magique de notre héros, est l’ancienne prophétie qui fait le sujet de notre histoire. Lorsque David Gam tenta d’assassiner Owen à Machynleth, il était accompagné du dernier des hommes que Glendower eût jamais soupçonné d’être avec ses ennemis : Rhys ap Gryfydd, son parent, son vieil ami, plus que son frère, consentait à devenir son meurtrier ! Owen pouvait pardonner à David Gam, non pas au traître maudit qui avait eu son affection. Toutefois il connaissait trop le cœur humain pour désirer la mort de Gryfydd ; avant de le quitter, il se rendit au cachot où ce misérable était déjà en proie aux remords les plus amers, et prononça les paroles suivantes :

« Je te condamne à vivre, car je sais que tu ne demandes qu’à mourir ; tu dépasseras les limites ordinaires de la vie humaine, afin de rester plus longtemps un objet d’horreur et de mépris. Tu seras montré au doigt par les enfants eux-mêmes, qui, en te voyant, s’écrieront d’une voix sifflante : « Voilà celui qui a voulu tuer son frère. » Car je t’aimais plus qu’un ami, Rhys ap Gryfydd ! Tu vivras pour voir ta famille décimée par les armes. Tous les tiens seront maudits, ils verront leurs domaines fondre et disparaître comme la neige au printemps ; leur fortune s’évanouira, quels que soient les tas d’or qu’ils aient pu amasser, et quand la neuvième génération aura quitté ce monde, ton sang ne coulera plus dans les veines d’aucun homme. À cette époque, le dernier mâle de ta race m’aura vengé : le fils aura tué son père. »

Telles furent les paroles qu’adressa Owen à son perfide ami, et, suivant la tradition qui les rapporte, la destinée qu’elles prédisaient fut accomplie dans ses moindres détails. Quelle que fût leur manière de vivre, leur âpreté au gain ou bien leur avarice, les Griffith ne parvenaient