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UNE RACE MAUDITE.

d’être orientaux, n’étaient-ils pas d’une race puante et malsaine, témoin la lettre que le pape Étienne III écrivit à Charlemagne pour le détourner d’épouser Berthe, fille de Didier, roi de Lombardie. Les cagots étaient puants et malsains comme les Lombards : donc ils étaient venus d’Orient, et devaient être infidèles ; la chose était fort claire. Ajoutez à cela que ce nom de cagots, dérivé de canes gots, c’est-à-dire chiens ou chasseurs de Gots, leur avait été donné parce que les Sarrasins chassèrent les Goths d’Espagne. En outre, à l’époque de leur vie sarrasine, ces hérétiques avaient dû être mahométans et obligés, comme tels, à se baigner sept fois par jour ; d’où la patte de canard était devenue l’un des insignes de la cagoterie. Le canard est un oiseau d’eau, les mahométans se baignent sans cesse… preuves sur preuves !

En Bretagne, on pensait généralement qu’ils étaient de souche israélite, et leur mauvaise odeur était citée à l’appui ; les juifs, personne ne devait l’ignorer, avaient toujours eu cette infirmité physique, dont ils ne pouvaient se guérir qu’en se plongeant dans une fontaine d’Égypte (ce qui était fort loin de la Bretagne), ou en se lavant le corps avec le sang d’un petit enfant chrétien. Il était donc naturel que le sang ruisselât du corps des cagots le jour du vendredi saint, puisqu’ils descendaient des juifs. C’était la seule manière d’expliquer un fait aussi épouvantable. Remarquez bien, d’ailleurs, que les cagots étaient des charpentiers d’une habileté hors ligne, ce qui donnait à penser qu’ils avaient eu pour ancêtres parmi les juifs ceux qui avaient fait la croix de Jésus.

Lorsque l’émigration prit son cours vers l’Amérique, les cagots affluèrent dans les ports de la Bretagne, afin d’aller se réfugier sur une terre vierge, où cesserait la malédiction qui pesait sur leur caste ; nouvelle preuve qu’ils descendaient d’Abraham, puisqu’ils partageaient