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UNE RACE MAUDITE.

Suivant la coutume de Bretagne, les parrains et marraines d’un enfant de cagots devenaient cagots eux-mêmes, à moins que leur filleul ne mourût en bas âge.

D’après la même coutume, les cagots ne pouvaient acheter, en fait de viande de boucherie, que les morceaux réputés malsains ; mais, pour un motif inconnu, ils avaient droit à chaque pain entamé qui se trouvait placé à l’envers, et dont la brèche était tournée du côté de la porte ; quel que fût l’endroit où ils vissent un pain dans cette position, ils pouvaient le prendre et l’emporter sans qu’on eût rien à dire.

Il y a trente ans à peine, on voyait encore dans une église de Quimperlé, une main que l’on y avait déposée au commencement du règne de Louis XVI ; c’était celle d’un riche cagot qui avait eu l’audace de tremper ses doigts dans le bénitier des fidèles ; témoin de ce sacrilège, un vieux soldat se plaça aux aguets, et la première fois que le maudit approcha la main pour prendre de l’eau bénite, le fervent militaire la lui abattit d’un coup de sabre et l’offrit, toute sanglante, au saint patron de l’église.

Les cagots de Bretagne pétitionnèrent auprès de l’autorité pour avoir le droit de changer leur appellation infamante en celle de malandrins ; tous ceux de France cherchèrent, pendant la révolution, à détruire les preuves qui constataient leur origine ; mais si les écrits ont disparu, la tradition est restée jusqu’à nos jours, et désigne encore telle ou telle famille comme issue des cagots, des oiseliers, ou des malandrins, suivant les noms qu’on appliquait jadis à la caste abhorrée.

Les érudits ont cherché à expliquer de différentes manières la répulsion générale qu’inspirait cette race, si puissamment et si bien organisée. Quelques-uns font remonter cette antipathie à l’époque où la lèpre était un sujet d’épouvante, et ils ajoutent que les cagots, sans