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AUTOUR DU SOFA.

d’une heure qu’elle ne l’aurait été après l’hiver si on l’eût placée dans une chambre saine.

« Les cagots, disait-on encore, viennent tous au monde avec une queue ; mais leurs parents ont trop d’astuce pour ne pas la faire disparaître dès leur naissance. Comment pourrait-on le mettre en doute, quand on voit les enfants de race pure coudre des queues de mouton aux habits d’un cagot, sans que celui-ci, absorbé par son travail, s’en aperçoive aucunement.

« Enfin, ajoutait la réponse des cortès, tous les cagots répandent une odeur tellement abominable qu’il n’en faut pas davantage pour montrer que ce sont des hérétiques de la plus vile espèce, car l’écriture parle de l’encens qu’exhalent les serviteurs de Dieu, et du parfum qui émane de la sainteté. »

C’est avec de semblables arguments, dont je vous donne la traduction littérale, que les cagots se virent non-seulement déboutés de leurs plaintes, mais rejetés dans une position plus triste encore, si la chose était possible. Le pape insista pour qu’on leur reconnût les mêmes privilèges qu’à ses autres enfants ; les prêtres espagnols ne firent aucune opposition à la volonté du saint pontife, mais ils n’en permirent pas davantage aux cagots de se mêler aux fidèles, soit pendant leur vie, soit même après leur mort.

À peu près à la même époque, les maudits obtinrent de Charles-Quint des lois en leur faveur ; pas une de ces lois ne reçut d’exécution, et, pour punir les cagots de leur esprit de révolte et de l’impertinence qu’ils avaient eue de se plaindre, les autorités locales leur confisquèrent leurs instruments de travail. On vit alors un vieillard, n’ayant d’autre moyen d’existence que la pêche, mourir de faim lui et toute sa famille, parce qu’on lui avait enlevé les moyens d’exercer son industrie.