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AUTOUR DU SOFA.

sonner du cor. Les gens de race pure, qui se trouvaient aux aguets, tombèrent sur les cagots, tranquilles à leur jeu de quilles, et les égorgèrent tous. Je ne vois nulle part qu’un décret du parlement de Toulouse ou d’ailleurs, ait été rendu contre les auteurs de ce massacre.

On tenait soigneusement écriture des noms et de la résidence de tous ceux qui avaient la réputation d’être cagots ; et comme les mariages entre les maudits et les gens de race pure étaient sévèrement prohibés, ces malheureux n’avaient aucun espoir de rentrer dans le droit commun. Toutes les fois qu’il se mariait un de ces parias, le jeune couple avait à subir des chants satiriques, inspirés par la circonstance. Il y avait aussi des ménestrels chez les cagots ; et l’on chante encore en Bretagne beaucoup de leurs productions ; mais ils n’ont point usé de représailles à l’égard de leurs persécuteurs, et l’on ne trouve pas dans leurs poèmes les insultes qui furent prodiguées à leur caste. Ils étaient d’un esprit aimable, d’une intelligence peu commune ; et certes il ne leur fallait pas moins qu’un heureux caractère et l’amour du travail pour supporter la vie.

Ils finirent cependant par réclamer la protection des lois, et vers la fin du XVIIe siècle, la magistrature se prononça en leur faveur ; mais le bénéfice qu’ils en retirèrent se réduisit à fort peu de chose ; la loi ne prévalut pas contre la coutume, et quinze ou vingt ans avant la révolution française, la haine que l’on portait à ces infortunés était encore dans toute sa virulence.

Au commencement du XVIe siècle les cagots de Navarre s’étaient plaints au pape d’être exclus de la société de leurs semblables, et maudits par l’Église, sous prétexte que leurs ancêtres avaient prêté leur concours à un certain Raymond, comte de Toulouse, qui s’était révolté