Page:Gaskell - Autour du sofa.djvu/228

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
224
AUTOUR DU SOFA.

seignerait à compter de mémoire, et surtout à raccommoder leurs vêtements, à tricoter et à filer. Elle pourvut l’école d’une quantité de rouets supérieure au nombre de petites filles que renfermait la commune, et posa comme règle fondamentale que les jeunes écolières devaient avoir filé tant d’écheveaux de lin, et fait tant de paires de bas avant qu’on leur apprît l’alphabet.

Je me rappelle, encore le jour où M. Gray tira de sa poche un beau peloton de fil d’une délicatesse et d’une égalité remarquables, ainsi qu’une paire de bas d’un tricot fin et moelleux, qu’il plaça devant lady Ludlow, comme pour lui faire hommage des premiers fruits de son école. Je me souviens toujours de l’air avec lequel Sa Seigneurie mit ses lunettes et fit l’examen attentif de ces deux productions qu’elle finit par me passer, car j’étais bon juge en pareille matière.

« Je suis extrêmement satisfaite, dit alors milady. Vous avez été bien heureux dans le choix de votre maîtresse d’école, monsieur Gray ; il faut qu’elle réunisse, à une grande habitude des travaux féminins, une patience exemplaire. Est-elle de notre village ?

— Miss Bessy a la bonté de venir enseigner à mes petites filles toutes ces sortes de choses, » répondit M. Gray d’une voix tremblante, et en rougissant comme il faisait jadis.

Milady le regarda par-dessus ses lunettes. « Miss Bessy ? » reprit-elle en s’arrêtant comme pour chercher dans sa mémoire quelle était la personne qui portait ce nom dans la paroisse.

Je ne sais pas si M. Gray avait eu l’intention d’en dire davantage à l’égard de l’inconnue ; toujours est-il que, troublé par le regard et la voix de lady Ludlow, il changea de sujet et raconta qu’il avait cru de son devoir de refuser la souscription que lui avait offerte M. Brooke pour l’en-