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LADY LUDLOW.

Elle détestait l’Angleterre, cette contrée brumeuse, hérétique et perverse, et avait grand soin d’éviter de faire allusion à tout ce qui se rattachait à la jeunesse du baronnet.

Il en résulta qu’à la mort de celui-ci, elle se fâcha contre le docteur qui lui conseillait d’annoncer en Angleterre la mort de son mari. Non-seulement elle ne voulut pas suivre l’avis qui lui était donné ; mais, craignant que les Anglais ne fondissent sur elle pour lui enlever ses enfants, elle emmena ces derniers dans les Abruzzes, où elle vécut du prix de quelques bijoux, et resta cachée tant que dura son argent. Lorsqu’elle fut à bout de ressources, elle revint dans sa famille, qu’elle n’avait pas visitée depuis son mariage. Son père était mort ; mais elle retrouva son frère, dont l’intelligence ne manquait pas de finesse. Ce jeune homme alla consulter un prêtre, qui finit par découvrir, en s’adressant à l’ambassade anglaise, que la succession du baronnet valait la peine d’être assurée à l’un des membres de la foi catholique. C’est en raison de cette découverte que sir Hubert fut appelé à restituer à son neveu le titre et les terres de sir Galindo, plus les fonds qu’il avait dépensés depuis la mort du baronnet. L’ancien ministre opposa un refus éloquent à cette réclamation ; il ne pouvait supporter l’idée que son frère avait épousé la fille d’un pêcheur, une Italienne, une papiste ; et il s’abandonnait au désespoir en songeant que la terre patrimoniale de ses ancêtres allait passer à un mécréant, issu d’un tel mariage. Il combattit du bec et de l’ongle pour préserver d’une telle souillure la fortune et la baronnie des Galindo : il y perdit la presque totalité de son avoir personnel, et s’aliéna tous les membres de sa famille ; car, à l’exception de sa femme, tout le monde était convaincu du bon droit de ses neveux. À la fin, bien obligé de céder, il résigna