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AUTOUR DU SOFA.

crainte de rencontrer le regard plein de reproches de Mark Gibson ; et, accablée de regrets, elle perdit la santé en même temps que l’espérance.

Milady, frappée du triste changement qui s’était opéré chez la jeune fille, en apprit la cause par lady Galindo, qui naturellement lui donna sa propre version de la conduite et des motifs de Mark. Sa Seigneurie ne parla jamais de cette malheureuse affaire, qu’elle fit semblant d’ignorer ; mais elle redoubla d’affection et de prévenances pour la pauvre Laurentia, et fit tout son possible pour lui être agréable. C’est alors que, cherchant à la distraire par des causeries pleines d’abandon, elle lui avait tant parlé de sa jeunesse et de l’endroit où elle était née, que miss Galindo résolut, si jamais c’était en son pouvoir, d’aller visiter les lieux que préférait son amie. Voilà comment, plus tard, je l’ai trouvée dans notre village, où elle avait fixé sa résidence.

Mais avant d’en arriver là, il s’était fait un grand changement dans la position de miss Galindo. Son père et sa mère n’étaient pas de retour de la seconde visite qu’ils avaient faite à Londres, qu’une lettre de leur procureur vint informer sir Hubert de l’existence d’un fils légitime du baronnet et d’une Italienne, et par conséquent héritier direct des propriétés et du titre de sir Galindo. Celui-ci, d’humeur aventureuse, avait toujours préféré les arts et la poésie aux jouissances que procurent le rang et la fortune ; et, captivé par la vie facile et indépendante qu’on mène en Italie, il avait épousé la fille d’un pêcheur napolitain. Bornant son ambition à jouir de son bonheur, il avait parcouru les rivages de la Méditerranée sans autre souci que d’être heureux, sans autre devoir que de veiller sur sa famille, dont l’avenir ne lui causait nulle inquiétude. Quant à sa femme, il lui suffisait de ne pas manquer d’argent, et que son mari continuât à l’aimer.