Page:Gaskell - Autour du sofa.djvu/204

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
200
AUTOUR DU SOFA.

indifférents à l’égard des petitesses et des misères de cette vie. C’est du moins la réponse que j’obtins de M. Gray, lorsque je lui dis combien nous étions étonnées de l’amélioration qui se remarquait dans la tenue et les manières d’Henry Gregsone.

Lady Ludlow chercha pendant si longtemps la meilleure façon d’exprimer ce qu’elle voulait dire, que le pauvre Henry commençait à s’effrayer de son silence. Quelques mois auparavant j’en aurais été moi-même surprise ; mais depuis la mort de son fils, milady était bien changée ; elle paraissait plus incertaine, plus défiante d’elle-même pour ainsi dire.

Elle prit enfin la parole, et je crois être sûre qu’il y avait des larmes dans ses yeux : « Mon pauvre enfant, dit-elle, vous avez bien manqué de mourir depuis que je ne vous ai vu. »

La seule chose que le pauvre garçon eût à répondre était un oui pur et simple, et le silence recommença.

« Vous avez perdu un bien excellent ami dans M. Horner, » reprit lady Ludlow en faisant un effort sur elle-même.

Les lèvres d’Henry s’agitèrent convulsivement et je ne distinguai pas les mots qu’elles firent entendre.

« Moi aussi, continua lady Ludlow ; il nous était bien attaché à tous les deux. Il avait d’abord eu le désir de vous prouver son affection d’une manière plus évidente qu’il ne l’a fait ensuite. M. Gray a dû vous annoncer que vous êtes l’un des légataires de notre généreux ami. »

Aucun signe de joie ne parut sur le visage du pauvre enfant, à qui la somme léguée devait néanmoins sembler une véritable fortune.

« Je sais qu’il m’a laissé de l’argent, répondit-il avec indifférence.

— Vous en connaissez le chiffre, deux cents livres.