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LADY LUDLOW.

cour, et demeuraient silencieux et assoupis au-dessus de leurs gobelets vides. Miss Galindo, qui avait les yeux rouges à force d’avoir pleuré, me dit en fondant en larmes, qu’elle avait trouvé Sally sanglotant sur sa Bible, et faisant usage d’un mouchoir de poche pour la première fois depuis qu’elle était au monde. Le tablier, dont la pauvre fille s’était servie jusque-là pour s’essuyer les yeux, n’était plus d’étiquette, lorsqu’il s’agissait de pleurer la mort d’un comte.

Jugez un peu, s’il en était ainsi au dehors, de ce que cela devait être au château. Nous parlions tout bas, seulement pour les choses indispensables, et l’on n’essayait pas même de manger ; il est vrai que nous ressentions si vivement la douleur de notre bien-aimée lady Ludlow, que nous fûmes plusieurs jours sans éprouver le moindre appétit. Je dois cependant avouer que notre chagrin ne tarda pas à s’affaiblir, à mesure que la chair se montra plus exigeante. Mais notre cœur n’en saignait pas moins, toutes les fois que nous pensions à milady, livrée à elle-même, dans cette chambre tendue de noir, assise auprès de cette lampe dont la lumière éclairait sans cesse la page funèbre qui portait le nom de ses trépassés.

Combien j’aurais voulu qu’elle consentît à recevoir M. Gray ! Mais c’était un évêque, disait mistress Adam, qui seul pouvait approcher de milady ; et personne au château n’avait assez d’autorité pour envoyer chercher un si haut personnage.

M. Horner souffrait plus que nous encore de cet affreux événement ; il était trop dévoué à la famille des Hanbury pour ne pas être désespéré de la voir s’éteindre ; en outre, il avait pour milady plus d’affection qu’il n’en laissait paraître, et je suis persuadée qu’il prenait une part bien vive à la douleur de sa maîtresse.

Puis, l’état des affaires augmentait son chagrin et y